Nombreux sont les parents à évoquer le manque d’autonomie de leur enfant, mais tout autant d’enfants à se plaindre que leurs parents ne leur font pas assez confiance, et qu’ils vérifient tout, leur messagerie Internet, leur cahier de texte, leur emploi du temps, et même pour les plus jeunes le contenu du cartable. Parfois, dans une famille, ce sont des reproches croisés. Au cours d’un entretien, la mère se plaint du manque d’autonomie de son pré-ado qui réplique aussitôt qu’on ne lui laisse rien faire tout seul, qu’on ne le laisse pas respirer.
L’autonomie affective se conquiert peu à peu. Mais elle n’est pas du seul fait de l’enfant. C’est très tôt qu’elle doit être initiée par les parents. Ils l’encouragent malgré leur désir inconscient qu’il ne se sépare pas d’eux. Alors, progressivement il peut se dégager. Il est libre dans sa tête et non en quête permanente de reconnaissance. L’en empêcher, c’est au risque que l’enfant, puis l’adolescent et l’adulte qu’il devient, soient profondément marqués par une estime de soi défaillante.
L’autonomie intellectuelle, c’est pour le grand enfant penser par lui-même, avoir intériorisé des règles sociales et familiales, des valeurs, n’être pas dépendant de l’aide des adultes, être capable de décider seul, d’anticiper et d’assumer les conséquences de ses actes. Pour en arriver là, les parents l’incitent dès le plus jeune âge à faire ses premiers pas, à s’éloigner, à évoluer librement afin de découvrir ce qui l’entoure. Ils le laissent faire ses expériences. Un jour, l’enfant devenu écolier prend des initiatives sous leur regard vigilant et sécurisant. Il s’affirme, demande de l’aide à bon escient mais n’en est pas dépendant. Il sait faire des choix et se créer les moyens de parvenir à ses buts. Il sait s’adapter, agir seul ou avec d’autres, interagir.
De nombreux parents lient à tort l’autonomie au laisser-faire, d’autres surprotègent jusque tard leur enfant. Or la revendication d’indépendance (horaires, sorties..) se manifeste dès la puberté, d’autant plus forte qu’elle a été étouffée jusque-là. Pour le travail scolaire, c’est la volonté de faire « loin » des parents. Alors les négociations sont douloureuses, car il s’agit d’un désir qui n’est pas en phase avec ce que les parents pensent de leur enfant quant à ses possibilités d’agir seul et de prendre ses responsabilités.
Cette indépendance désirée est loin de l’autonomie. Ces enfants ne sont pas concernés par leur propre construction intellectuelle. Ils restent dans une position d’assistanat : ils ne savent pas mener un travail de recherche personnel. Ils ne savent pas apprendre seuls. Ils ne savent pas penser seuls. Ils savent des choses, mais ne savent pas réfléchir, ni agir sans qu’on leur ait dit comment.
Apprends-moi à faire tout seul, disait Maria Montessori. Mais comment apprend-on à l’enfant å faire tout seul ? On agit devant lui. On lui montre l’exemple. On encourage sa curiosité intellectuelle, l’esprit critique (qui permet la réflexion) On le soutient d’un regard bienveillant dans ses essais, ses erreurs, on le responsabilise peu à peu. Il suffit aussi d’avoir de l’intérêt moins pour le fait qu’il ait réussi ou non, mais pour ce qu’il a pensé, la façon dont il est parvenu à faire quelque chose. On respecte ses mouvements de pensée, on favorise les prises de risque, l’imagination. On prend le temps de l’accompagner.
C’est la liberté qui lui est donnée de découvrir par soi-même, de faire à sa manière, de n’avoir pas peur de se tromper qui permet à l’enfant de renforcer sa confiance en soi, de grandir. D’être autonome et heureux de l’être.
Alain Sotto et Varinia Oberto
Auteurs de « Le beau métier de parent » Hugo Doc 2016.
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