Extraits
Lettre A en lecture libre
A (ou les lettres de l’alphabet)
Ah ! Le plaisir qu’ont les enfants à apprendre la lettre a, à réciter l’alphabet, écrire leur prénom.
Ils ont plaisir, alors qu’ils n’ont pas deux ans, à faire des tracés horizontaux ou obliques ou encore circulaires, et dès l’âge de deux- trois ans, ils donnent une explication à leur production. Ils associent un sens à leurs savants gribouillages : ils font des « ronds » et ces ronds symbolisent des objets.
A quatre ans, ils différencient le dessin et l’écriture. Il y a les bonshommes qu’ils aiment dessiner et l’écriture qui imite celle de l’adulte. Imitation et non copie, cela ressemble vaguement à une écriture mais on n’y reconnaît pas de lettres.
A cinq ans, ils aiment écrire leur prénom. Ils s’appliquent à le faire. C’est une occupation ludique.
A l’école, à cinq-six ans, commence l’apprentissage de l’alphabet, travail qui est de faire correspondre le son d’une lettre avec une graphie. Les enfants apprennent les lettres, ils doivent savoir les lire, les écrire, les identifier à l’intérieur d’un mot. Quand ils les écrivent, ils ne maîtrisent pas tout à fait le tracé qui est maladroit.
Mais comment un enfant peut-il mémoriser les lettres ? Assez facilement si on se sert de leur circuit verbal pour les lui apprendre. On prononce la lettre puis on montre comment la dessiner, c’est-à-dire on l’écrit.
Asseyez-vous à côté de lui (surtout pas en face), prononcez la lettre et écrivez gros et lentement tout en lui parlant le chemin de la lettre : point de départ jusqu’au point d’arrivée. Dites : »a », puis : « Quand j’écris le a, je mets mon crayon en haut et je dessine un rond ». Ensuite s’il connaît sa droite, sa gauche, vous poursuivez : « Je vais à droite et je dessine une petite queue au rond, je pose mon crayon au milieu de… etc. » S’il ne possède pas encore les repères spatiaux, prenez un repère dans la pièce où vous vous tenez, le mur, la fenêtre…
Aidez-le en le guidant verbalement : « Je mets mon crayon, etc. » jusqu’à ce qu’il ait mémorisé la lettre. Vérifiez qu’il se redit la trajectoire de la lettre dans sa tête, qu’il la voit, qu’il saura donc la refaire.
Il y a d’autres méthodes pour aider un petit à mémoriser quand il a des difficultés : lui faire dessiner avec l’index la lettre dans l’espace ou sur la table, lui en faire faire le parcours sur le sol, il « marche » la lettre.
De même qu’on apprend à dessiner une lettre, on lui apprend à accrocher deux lettres ensemble. C’est pour n’avoir pas appris suffisamment à le faire que Raïssa écrit à l’intérieur des mots des n à trois jambages, et des m à quatre, que les o et les a de Lucie se ressemblent étrangement, et qu’Anton en CM1 écrit des r aussi grands que des h.
Voir Lire au CP (Les lettres)
Abstraction (ou la pensée complexe)
Que vit un enfant en difficulté mathématique ? Avant même d’entrer en classe, il a la certitude qu’il ne comprendra rien. En cours, il a une impression de noir absolu. Il regarde une figure géométrique, une équation, lit l’énoncé d’un problème, sans que cela évoque autre chose que l’information telle qu’elle est présentée. Bloqué, il ne va pas chercher dans sa mémoire ce qu’il connaît peut-être et qui lui permettrait de se saisir du sens, les connaissances nécessaires où confronter, accrocher, la chose à comprendre. Il regarde le tableau, il entend les mots du professeur, mais rien ne prend forme dans son esprit.
Cela a quelque chose d’un peu effrayant, l’effort pour se saisir du sens et ce noir en retour. Un jour arrive où l’enfant ne fait plus l’effort de comprendre. Cette réaction est logique : il est insupportable d’être sans arrêt confronté à des échecs. En cours, il ne prend plus la peine d’écouter, il n’apprend plus ses leçons, et les lacunes s’accumulent qui seront un empêchement à la compréhension d’une autre leçon, voire d’une leçon l’année suivante. Il s’enferme dans un cercle vicieux : pas de compréhension, donc pas de mémorisation ; pas de prérequis (1) donc pas de compréhension, et ainsi de suite.
Quand on aborde des sujets abstraits ou ayant des complexités, l’enfant comprend dans la mesure où il peut s’en faire des représentations concrètes. Ainsi il saisit ce qui lui est enseigné en physique, en visualisant le parcours de l’électricité dans un courant alternatif et dans un courant continu. Mais plus tard dans le cours, confronté à des notions telles les watts, les volts et les ampères, il se peut qu’il ne parvienne pas à les appréhender. Il n’y a pas en lui de reconnaissance d’une forme familière, sur laquelle s’appuyer pour un travail de compréhension.
A partir du moment où il ne se saisit pas intuitivement de l’information ou ne peut s’en faire une représentation, le sens reste hors de sa portée. De plus il suffit qu’il bute sur cette notion abstraite pour que devienne impossible toute saisie des informations qui en découlent.
Il est essentiel si vous voulez communiquer une information à votre enfant, de savoir s’il possède les connaissances pour s’en emparer, de savoir à quel degré de compréhension vous pouvez naviguer avec lui.
Vous ne pouvez lui donner quelque chose à comprendre ou le faire réfléchir à un sujet, à un problème, sans avoir soupesé ses connaissances. Ce que vous lui donnez lui est-il accessible ? Va-t-il pouvoir l’accueillir ? A-t-il les bases nécessaires pour s’en emparer ? A-t-il la syntaxe et le vocabulaire suffisants ? A-t-il le sens figuré des mots, sans lequel beaucoup d’éléments risquent de ne pas être compris? Possède-t-il les emboîtements de sens, les liens, pour la compréhension finale de ce qui est à saisir ?
Un autre problème d’importance que l’on doit prendre en compte est le recul devant l’obstacle, refus qui est naturel : l’apprenant (l’enfant mais tout aussi bien l’adulte) renâcle quand il est placé devant un obstacle qu’il n’est pas certain de pouvoir franchir. Alors il faut lui en donner l’envie et l’aider à le faire : on l’aide en travaillant avec lui le savoir-faire (apprentissage des équations), ou en ramenant les choses abstraites dans le domaine du concret grâce aux métaphores (comparaison du cœur avec une pompe), ou en passant par l’expérimentation (connaissance de l’oxygène et du gaz carbonique en enfermant une bougie chauffe-plat allumée sous un pot de confiture vide et retourné).
On demande à l’enfant d’expliquer ce qu’il comprend et, si nécessaire, on corrige, on complète, puis on poursuit ainsi jusqu’à ce que le sens prenne forme. On lui dit qu’il est normal qu’il ne comprenne pas tout de suite l’information proposée: l’enfant a souvent l’impression d’être fautif quand les choses ne lui sont pas évidentes au premier abord.
(1) les prérequis sont les connaissances nécessaires que doit avoir l’apprenant pour réussir à s’emparer d’une nouvelle connaissance. (Voir Acquis et prérequis)
Voir Métaphore, Concept et structure
Acquis et prérequis
Isabelle (CM1) est incapable de souligner correctement les noms dans un exercice de grammaire : elle ne connaît pas la différence entre un mot et un nom.
Aurore (5ème) s’est trompée dans un problème de géométrie car elle a confondu la médiatrice sur laquelle portait son cours avec la médiane qu’elle avait apprise l’année précédente.
Rémi (CM2) a toujours cru qu’un nom est quelque chose que l’on peut dessiner. Alors pour lui, courir est un nom et vacances ne l’est pas, car s’il peut représenter un garçon qui court, comment dessiner le mot vacances ? Bien entendu, ne sachant pas différencier les noms et les verbes, il se trompe quand, dans un exercice de grammaire, il lui est demandé de trouver la fonction des noms.
Acquis et prérequis sont des facteurs dont l’enseignement ne tient pas souvent compte. Ils sont pourtant à la base même de l’apprentissage, et cela pour plusieurs raisons, la première étant que le savoir se mémorise, se construit, en prenant appui sur d’autres savoirs déjà constitués . L’enfant a appris des choses dans la vie tout autant qu’à l’école, et c’est grâce à ses savoirs qu’il peut s’approprier une information nouvelle. Il n’est pas raisonnable d’aborder une leçon d’histoire, de géographie ou de sciences naturelles sans la relier à ce que l’enfant a découvert dans son quotidien -en se promenant à la montagne, en regardant un documentaire, en observant le ciel.
Une information n’est jamais isolée. Elle peut être rattachée à un grand nombre d’autres informations. Alors pourquoi la servir telle quelle à l’enfant sans se préoccuper de ce qu’il connaît déjà ? Pourquoi ne pas faire du savoir un tout cohérent ?
Une autre raison de s’appuyer sur des acquis est le fait que l’apprenant a peur de l’inconnu, de la chose nouvelle. Aussi partir de ce que l’on connaît et rattacher l’inconnu au connu permet au limbique, le cerveau des émotions, de ne pas bloquer l’apprentissage et même de le favoriser.
Qu’est-ce que les prérequis ?
Ce sont les savoirs nécessaires à un apprentissage, les connaissances antérieures sans lesquelles il ne peut se faire. Ce sont les fondations d’une maison. Si l’on bâtit une maison sans fondations, si on la pose tout simplement sur du sable, il est plus que probable qu’à un moment ou à un autre elle ne s’effondre, quels que soient les matériaux employés pour sa construction. Ainsi il est absurde d’expliquer ce qu’est l’adjectif qualificatif à l’enfant tant qu’il ne sait pas parfaitement ce qu’est un nom et n’est pas capable de l’identifier dans une phrase (l’adjectif qualificatif précise une qualité, une caractéristique du nom). On ne peut lui enseigner l’attribut s’il ne sait pas ce que sont, entre autres, un nom, un adjectif qualificatif, un sujet. Il importe de vérifier qu’il comprend le sens du mot pronom avant de lui faire apprendre les pronoms possessifs ou relatifs.
Quand vous abordez une notion nouvelle avec l’enfant, liez-la à ce qu’il connaît déjà, mais prenez garde de ne pas confondre ce que vous pensez qu’il connaît et ce qu’il connaît vraiment -qui n’a rien à voir avec ce qu’il a appris. Faites-lui expliquer ce qu’il sait à ce sujet, vérifiez-en la justesse, puis partez de là et créez des connexions avec ce qu’il découvre. Ainsi, quand votre enfant apprend les pronoms indéfinis, revenez sur le sens du mot pronom et évoquez les autres pronoms déjà étudiés : les pronoms personnels, les pronoms possessifs… Quand votre enfant apprend la symétrie centrale (symétrie par rapport à un point), comparez à ce qu’il a appris sur la symétrie orthogonale (symétrie par rapport à une droite). Bien entendu, n’y passez pas des heures !
Affectivité
Travail et affectivité
Votre enfant n’est pas une représentation sociale de vous-même. Travail scolaire et affectivité n’ont rien en commun.
Ne dites pas que c’est une évidence. Interrogez-vous. Etes-vous certain de bien différencier l’amour qu’il vous porte, l’amour que vous lui portez et les résultats de son travail ? Avez-vous accepté que votre enfant n’est pas vous et qu’il ne vous doit rien et qu’il sera un jour lui-même, loin de vous, sans vous?
L’attention que vous lui donnez, votre affection, lui permettent de se construire, d’être heureux. Rigueur et bienveillance l’aident à faire émerger ce qu’il y a de meilleur en lui, à se structurer psychologiquement et intellectuellement.
Le travail scolaire doit être laissé à la place qui est la sienne, et ce malgré les enjeux sociaux, malgré votre inquiétude de l’avenir.Quand affectivité et travail sont mêlés, la moindre difficulté scolaire devient un drame alors qu’elle devrait n’être qu’un problème, résolu d’autant plus facilement qu’on a tenu éloigné angoisse, culpabilité et chantage affectif.
Delphine ou l’affectivité déviée
Delphine est une enfant d’apparence triste et sérieuse. Elle a neuf ans quand sa mère, madame B., l’amène en consultation en raison de « très grosses difficultés scolaires »: elle a 10 de moyenne en mathématiques, 8 en français !
Au cours du bilan, qui révèle une élève angoissée, Delphine m’apprend qu’elle a été privée de cadeaux à Noël, et à mon étonnement ne s’en plaint pas : sa mère l’en avait menacée. « Elle est sage, plutôt obéissante » commente Madame B. « Je n’ai rien à dire de ce côté-là. Mais elle se refuse à nous faire plaisir. Et je l’avais prévenue que, dans le cas où ses notes ne remonteraient pas, elle ne recevrait rien de nous, ni de ses grands-parents. »
J’aborde de façon détournée le problème de l’affectivité avec madame B. Je fais valoir que sa fille n’est en rien responsable de ses échecs et j’évoque le manque de méthode, le stress et les rapports difficiles avec son instituteur qui la suit depuis deux ans. Dès cette première séance, j’apporte des remédiations simples qui rassurent la mère tout autant que la fille.
Pour l’histoire, disons que Delphine a progressé étonnamment en quelques mois, bien plus vite que je ne l’espérais. Elle a terminé l’année avec un treize de moyenne. Je ne l’ai pas revue pendant deux ans. Jusqu’à ce matin de janvier, dans un supermarché. Delphine, très fière, m’a appris qu’elle s’était stabilisée à ce treize de moyenne. Madame B. a ajouté: » Bien sûr, c’est mieux qu’à l’époque où nous sommes venues vous consulter. Mais elle fait encore trop de fautes en dictée ou lorsqu’elle copie. Elle est inattentive. Quand je pense au temps que je lui consacre! » Puis Madame B. a eu ces mots incroyables : » Je me demande si elle nous aime, son père et moi. » Un an plus tard, Delphine a terminé son année avec des notes pour la plupart en dessous de la moyenne.
Affectivité dans l’apprentissage
Pour réussir, l’enfant doit avoir confiance en ses possibilités. Il faut également que ses parents croient en lui et le lui fassent savoir.
Bon nombre d’enfants pensent, pendant toute leur scolarité, qu’ils sont nuls dans une matière quand ce n’est pas en tout, et cela en raison d’échecs en début d’apprentissage. Ils ont acquis la conviction de n’être pas doués. Ils subissent l’échec. Henri Laborit a étudié ce comportement passif, dû à des expériences passées négatives, et parle de l’inhibition de l’action à l’origine du blocage de la pensée.(1)
Pour défaire ces structures d’échec, il suffit la plupart du temps de porter un regard positif et bienveillant sur l’enfant et de l’aider à avoir ses premiers succès. Le fait de croire en ses possibilités est un des facteurs primordiaux dans sa réussite.
J’aimerais signaler une expérience intéressante menée par Rosenthal, psychologue américain. En début d’année scolaire, il renseignait les professeurs sur les résultats obtenus par les élèves à des tests d’intelligence ; mais ces résultats étaient tout à fait fantaisistes : les scores avaient été choisis au hasard. Or en fin d’année, ceux qui à leur insu avaient été notés comme étant doués avaient progressé, et à l’inverse ceux dont on avait dit qu’ils avaient un faible Q.I. avaient eu une année très moyenne, voire avaient régressé.
Cette expérience, nommée « Pygmalion », a été renouvelée ailleurs. Il ne s’agissait plus de donner aux enseignants de faux Q.I. mais de faux bulletins scolaires. Là encore, on a démontré que ce que pense le professeur de ses élèves influence son comportement à leur égard et se répercute sur leurs performances.
Il n’y a pas – à ma connaissance – d’expérience de ce type réalisée à la maison, mais je sais, pour travailler avec des élèves performants et d’autres en difficultés scolaires, que les croyances positives ou négatives des parents permettent à l’enfant d’exploiter ses possibilités ou au contraire l’installent dans l’impuissance et l’échec.
J’aimerais insister sur l’influence de leur ressenti, de leur jugement. S’il n’y a pas confiance dans ses capacités, s’il n’y a pas bienveillance, attente positive, stimulation rassurante et sécurisante, il ne sert à rien de lui apporter de l’aide dans son travail scolaire, de lui conseiller des méthodes. Croire en lui est un premier pas pour le placer en situation de réussite.
Aidez votre enfant à se créer une image positive de lui-même en favorisant des succès : le fait de réussir et le plaisir qui en découle sont essentiels pour lever certains blocages, pour lui donner confiance en ses possibilités. Valorisez ses progrès et intéressez-vous à toutes ses réussites, si minimes soient-elles (ne méprisez pas les activités extra-scolaires). S’il a fait comme d’habitude de nombreuses fautes à sa dictée, au lieu de soupirer ou de lui dire qu’il aurait pu pour une fois penser à ses accords, félicitez-le pour celui auquel il a pensé ou pour un mot difficile écrit correctement. Puis, vous pourrez après analyser ses fautes avec lui.
Pendant longtemps, quand ma fille me montrait ses contrôles, je la félicitais, car elle est une bonne élève sérieuse et plutôt enthousiaste, puis nous analysions ensemble ses erreurs. Jusqu’au jour où elle m’a dit que cela seul m’importait. Or je voudrais dire que je lui répétais, à longueur de journée, ce que je pensais, à savoir qu’elle est belle, intelligente, qu’elle travaille bien et qu’elle est mon bonheur. Je pensais qu’elle n’avait pas de doute quant à mon jugement. J’ai compris que tout enfant, qu’il soit doué ou non, a besoin qu’on analyse le pourquoi et le comment de ses réussites, qu’on en parle, qu’on s’y attarde. Depuis, lorsque ma fille me montrait un contrôle, je passais toujours un moment à parler avec elle des choses qu’elle avait su faire et je trouvais qu’elle n’avait plus de réticence à examiner ses fautes, qu’elle avait même à le faire un certain allant.
A chacun son parcours
Ne jouez jamais sur la rivalité qui existe dans une fratrie. Ne comparez pas vos enfants mais plutôt valorisez ce qui fait l’identité de chacun, leurs caractéristiques propres, leur énergie, l’intérêt qu’ils portent à un sujet, une discipline.
Intéressez-vous à leurs expériences, à leurs ressentis, à leurs jugements -toujours différents, même dans le cas de jumeaux.
Qu’ils sachent que vous importent les progrès qu’ils font par rapport à leur propre désir et au rythme qui est le leur, des progrès que l’on ne peut comparer à ceux des autres.
N’opposez pas votre enfant à son aîné brillant en mathématiques ou même à son cousin, élève bosseur, travaillant maintenant dans un grand cabinet d’avocats, ou à qui que ce soit d’autre d’ailleurs. Chacun a son parcours. Les réussites parfois ne sont qu’apparentes. Et à l’inverse, des difficultés ne présagent pas d’un échec dans la vie professionnelle.
De même, cessez de croire que votre enfant vous ressemble et qu’il a hérité de vos problèmes en physique ou de votre dyslexie. Les croyances négatives l’engluent dans les difficultés. Si dès le départ, dès le moindre échec, vous lui mettez une étiquette sur le dos, comment peut-il croire en lui, acquérir la confiance nécessaire à faire des efforts, parce qu’il en faut pour travailler.
Ainsi Noëlle (CM1) ne pouvait s’en sortir puisque comparée à sa mère qui n’avait pas été une bonne élève et avait arrêté ses études en troisième. Elle disait être « nulle » et que jamais elle n’y arriverait. Depuis quand crois-tu cela ? A cette question, elle répondait : « Toujours ». Et sa mère d’ajouter que Noëlle avait un frère de trois ans plus âgé, garçon brillant. « Il tient de son père. Ma fille est plutôt comme moi : je n’étais pas bonne en classe. » (2)
Bien entendu Noëlle avait de grosses difficultés à l’école, et à l’inverse son frère réussissait sans beaucoup travailler. Celui-ci avait hérité de son père ingénieur l’intelligence des mathématiques, et Noëlle les yeux bleus de sa mère et les non-performances scolaires. Et cette croyance se révélait être un blocage puissant malgré la bonne volonté de la famille, les efforts de Noëlle, les visites chez l’orthophoniste et les cours particuliers. Comment en aurait-il été autrement ?
(1) Henri Laborit, « L’inhibition de l’action », Masson 1981
(2) Varinia Oberto et Alain Sotto, Dénouer l’échec scolaire, Desclée de Brouwer, 2004
Analyse logique
Comment faire une analyse logique / Fiche élève collège
Pour faire une analyse logique, je suis un mode d’emploi très précis. Attention, je ne saute aucun des points mentionnés.
1) Je cherche les verbes conjugués.
Je les souligne.
2) Je m’arrête aux infinitifs et aux participes passés.
Les infinitifs et les participes équivalent à des verbes conjugués quand ils ont un sujet propre, grammaticalement indépendant de la principale.
L’extraterrestre ayant effrayé toute la ville, il partit. : deux verbes conjugués
Après avoir effrayé toute la ville, l’extraterrestre partit. : un verbe conjugué
3) J’entoure les mots de subordination.
4) Je sépare les différentes propositions avec des traits. Je les numérote.
La soucoupe volante / que Léon a aperçue / semblait recouverte de brume.
1 2 1
Être bon en analyse logique / Fiche parents
Faire une analyse logique, c’est passer par le sens.
- L’enfant apprend les mots subordonnants, les propositions. Il les apprend, c’est-à-dire il comprend. Il comprend le sens des mots eux-mêmes (interrogative indirecte, opposition, subordonnée, participiale, complétive…). Il comprend le sens des phrases. Il comprend la « logique » qui lie deux propositions ensemble.
- Pour les mots subordonnants pouvant prêter à confusion, il compare le sens des propositions qu’ils entraînent. Il se demande comment il va faire pour les reconnaître, quelles questions il va se poser.
- Il s’exerce à le faire.
- Il fait des fiches.
Apprendre
« Apprendre est tout autre chose que recevoir une information » (1) C’est » d’une certaine manière, modifier sa lecture du monde » « C’est changer. »(2) Voilà ce que nous disent A. Giordan et G. de Vecchi, deux chercheurs en sciences de l’éducation.
Apprendre, c’est accepter d’être déséquilibré, de se mettre en danger, de passer par une succession de ruptures et de reconstructions. C’est remanier son monde intérieur en permanence.
Il ne s’agit donc pas d’emplir simplement sa mémoire de connaissances. D’être discipliné, d’écouter en silence l’enseignant, puis de réviser le cours et d’exécuter le travail demandé. Il ne s’agit pas d’attendre passivement du professeur, des parents, qu’ils amènent leur savoir. L’enfant, se sert de la vie, de ce qu’il est, de ce qu’il sait, pour faire des liens avec ce qui lui est enseigné, pour donner du sens à tout ce savoir. Et ce faisant, il se construit. Il est dans un jeu de construction, sa propre construction: il lui faut apporter des pièces, des pièces qu’il cherchait (parfois sans même le savoir) et d’autres dont il ne sait que faire, il lui faut les assembler, les monter, en déplacer, mettre de côté certaines devenues inutiles pour laisser place à d’autres plus adaptées, il lui faut déconstruire, dépasser des obstacles, pour aller plus loin.
Apprendre : les bons élèves et les élèves en difficulté
Apprendre, c’est cultiver son intelligence en passant par la curiosité, la recherche, l’intérêt. Tout ce qui ne prend pas cette voie est une base fragile. On peut certes réussir des examens ; mais la force intellectuelle, l’équilibre, ne s’acquièrent qu’à travers un travail personnel, une quête. On en a l’exemple quand l’enfant pour une raison ou une autre est motivé : il est alors à l’écoute de ce que dit l’adulte pour obtenir des réponses aux questions qu’il s’est posées. Il comble les vides dans ses connaissances, corrige ses erreurs. L’apprentissage est diablement plus intéressant, plus efficace alors.
Que peut-on noter chez la plupart des élèves en difficulté : ils restent en travail réflexe et passent rarement par un travail pensé. Il faut veiller à ce que jamais ils ne fassent un apprentissage – leçon ou devoir- sans que cela soit réfléchi :
Avant: Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que je sais déjà? Que dois-je faire pour réussir ? A quoi dois-je penser ? A quoi dois-je faire attention? etc.
Après : Sur quoi suis-je revenu ? Qu’est-ce que je sais de nouveau maintenant? Quand vais-je m’en servir? Quelle erreur dois-je éviter désormais ? Qu’est-ce que je dois modifier la prochaine fois pour réussir ? Quand, où puis-je utiliser cette bonne démarche? Etc.
Selon une étude menée par des sociologues (3), les élèves en difficulté « ont tendance à se focaliser sur les règles et les rituels, à s’en remettre entièrement à l’enseignant qu’ils désignent commecelui qui apprend, tandis que les élèves en réussite pensent « qu’il faut comprendre et réfléchir, se positionnant plus facilement sur le registre métacognitif, ils font la distinction entre exercices et objets d’apprentissage, ils peuvent préciser ce qu’ils savent et ce qu’ils ne savent pas. » Mais qu’est-ce être métacognitif ? Pour Anne-Marie Doly, maître de conférence en Sciences de l’Education à l’IUFM d’Auvergne, »c’est être à la fois celui qui fait et celui qui surveille ce qu’il fait afin de le faire de façon plus efficace et transférable, et pour cela, de savoir ce que l’on fait et ce que l’on sait. »(4)
Anne-Marie Dolly a fait travailler des classes sur des cours de biologie. Quelque temps après l’apprentissage, trois questions étaient posées:
Que savais-tu au départ sur le sujet ? L’enfant prend conscience qu’il connaît des choses (incomplètes, incertaines, à vérifier)
Que sais-tu maintenant? L’enfant est capable d’expliquer ce qu’il sait, il peut compléter ou effacer entièrement ou corriger ce qu’il savait au départ sur le sujet.
Comment as-tu fait pour le savoir ? Les prises de conscience sur son travail pendant qu’il le fait et après, lui permettent de « comprendre ce qu’il fait, d’en évaluer le sens et le bénéfice par relations procédure/but et performance. »
“ Dis-moi, comment fais-tu pour apprendre ? ”
Interrogez un enfant. Il hésite puis dit répéter ses leçons jusqu’à ce qu’il les sache, mais que parfois le lendemain, il les a oubliées.
Questionné sur la compréhension, il reste muet, puis il dit qu’il comprend en maths mais pas en français ou il vous dit le contraire. Et si vous lui posez la même question quant au fait de réfléchir, il répond qu’il sait fort bien le faire s’il s’agit de sujets qu’on aborde à la maison, mais qu’il ne sait pas réfléchir à l’école, ou encore qu’il ne sait pas le faire dans toutes les matières scolaires.
Pour les enfants, comprendre, réfléchir, mémoriser, imaginer, sont des actes magiques qui dépendent des apprentissages. Or telle n’est pas la réalité. On comprend, on réfléchit de la même manière, quels que soient l’apprentissage ou le domaine abordé, on se sert des mêmes outils. La différence étant que, selon ce à quoi on réfléchit, on n’utilise pas les mêmes matériaux et pas forcément les mêmes stratégies.
Quand ils apprennent une leçon, quand ils font un devoir, c’est la plupart du temps au petit bonheur la chance, ce sont des poètes glanant une information par-ci, une autre par-là, rêvant une grande partie du temps. Ils n’ont pas de concentration, pas de stratégie. Mais savent-ils simplement être attentifs ? Pour eux, il faut être sage, bien écouter, éviter de penser à autre chose. Ce qui, bien sûr n’est pas suffisant.
On aime apprendre quand on sait pourquoi et comment apprendre.
On aime apprendre, dit André Giordan, professeur à l’Université de Genève, quand les apprentissages sont « désirables », et ils le sont s’ils « présentent de la nouveauté plutôt que de l’habitude, donnent l’occasion de faire des choix, conduisent à des questions plutôt qu’à des réponses ». Il évoque également des situations où l’enfant « se sent largement autonome ».(5)
Un grand nombre d’élèves sont en souffrance scolaire, d’autres font leur travail correctement mais sans éprouver de joie. Ils manquent de motivation. Comment feront-ils, au sortir de l’adolescence, bac en poche ou non, pour poursuivre des études ou encore conquérir le monde du travail ? Il serait illusoire de croire que soudain ils vont aimer travailler, faire les efforts nécessaires pour mémoriser ou réfléchir. Bien entendu, il y a les heureux qui, grâce à une rencontre, quelle qu’elle soit, trouvent à un moment dans leur scolarité le déclic transformant le pensum scolaire en un apprentissage, lequel requiert certes des efforts, mais apporte de la joie. De la joie?
Mais oui, il y a de la joie à travailler, il y a de la joie à réussir. Il y a de la joie à réussir quelque chose qui a demandé des efforts. Encore faut-il savoir pourquoi on doit les faire, savoir où les porter.
Quelles sont les raisons pour lesquelles on n’aime pas une activité ? Dans la plupart des cas, c’est parce que l’on n’y est guère performant. Il en est de même dans le domaine scolaire. Mais rien ne sert de gaver l’apprenant de savoirs : il est des élèves qui répètent chaque année la même règle de grammaire et qui, cinq ou six ans plus tard, ne la comprennent pas, ne savent pas l’appliquer. Ne vaut-il pas mieux les responsabiliser, leur apprendre à penser, à mémoriser, leur apprendre à apprendre ? Et si on leur disait comment réfléchir face à des situations, des exercices, des problèmes différents ?
Alors que faire concrètement avec l’enfant ?
On l’incite à se pencher sur lui-même, en l’amenant à décrire son cheminement intellectuel, ses stratégies au cours des apprentissages afin qu’elles deviennent conscientes. Qu’est-ce qui dans ma démarche a été utile à ma réussite ? Qu’est-ce qui a été responsable de ma lenteur ? Pourquoi ai-je buté sur un obstacle insurmontable? Comment pourrai-je dépasser la prochaine fois les difficultés rencontrées ? Qu’ai-je exploité qui a bien fonctionné et que je vais transférer dans une autre sorte d’activité ? Le résultat de ce travail est-il à la hauteur de mes objectifs, du temps passé ?
On le pousse à tester d’autres stratégies en cas de difficultés, on met en avant la pertinence de certaines méthodes qu’il a utilisées, on lui fait prendre conscience qu’il peut les capitaliser et les transférer dans d’autres tâches.
On l’aide à se sentir concerné, on reconnaît ses efforts, on exprime sa confiance en sa capacité à réussir, on montre de l’enthousiasme quand on travaille avec lui.
Mais on s’intéresse aussi à ce qu’il est, ce qu’il fait et pas seulement à son travail scolaire ; on lui apprend à regarder, écouter, à penser par lui-même ; on lui apprend à s’approprier le monde, à devenir curieux.
Apprendre selon ses préférences
Nous ne sommes pas tous identiques, et il en est de même dans une situation d’apprentissage. S’il est bon de connaître ses propres tendances et celles de son enfant, pour le prendre en compte dans ce qu’il a d’original, mieux le comprendre et l’aider, il ne s’agit pas de tenter de définir un comportement pédagogique qui lui correspondrait :il a simplement des préférences, des habitudes et qui peuvent être différentes selon les tâches. Et ses préférences n’étant pas définitives, on peut tout simplement quand il ne réussit pas dans un apprentissage lui indiquer d’autres façons de faire, peut-être celles qu’il utilise là où il réussit, d’autres façons qui l’aideront à sortir de ses difficultés.
Un élève est plus naturellement à l’aise dans la synthèse. Il s’empare d’un sens global, d’un tout, comme s’il construisait un puzzle, et il a plus de mal quand il s’agit de passer par une chronologie, une séquentialité, de tenir un raisonnement bien structuré dans le temps.
Un deuxième a une préférence pour la démarche analytique. Il dit premièrement, deuxièmement, suit une logique temporelle efficace, mais arrive plus tardivement que le premier à l’idée générale.
Un troisième a besoin d’avoir connaissance de la règle exacte avant d’en arriver à l’exemple, lequel lui sert essentiellement d’illustration et d’argument, il résout un problème de géométrie en retrouvant dans sa mémoire les théorèmes et non les exercices faits en classe. Son intérêt va au pourquoi des choses.
Un quatrième élève part des exemples pour connaître la règle, l’idée générale. Il réussit son problème de géométrie en retrouvant les exercices plutôt que les propriétés et les théorèmes. Son intérêt porte sur le « comment ».
Un autre, sensible au relationnel, est particulièrement influencé par l’ambiance de la classe, la qualité des liens avec son enseignant, ses camarades, et il ne travaille que si elles lui conviennent. Il se peut donc qu’une année il le fasse volontiers et qu’une autre le voie en difficulté parce que dans l’incapacité de s’y mettre. Il est plus dépendant du professeur que de la matière.
A l’inverse, un autre est davantage sensible à la matière. Il peut -ou non- étudier, mais cela dépend peu de ses rapports avec l’enseignant. Ses résultats sont plutôt réguliers.
Un élève a tendance à suivre à la lettre ce qu’on lui dit. Il a besoin d’indications précises, et les évaluations fréquentes lui servent à savoir où il en est. Il est perdu si lui manquent quelques mots dans les notes prises en classe, ne sait faire un travail si les consignes données sont vagues. Il n’a pas l’esprit d’initiative.
Un autre ne suit pas vraiment les consignes et aime travailler « à sa façon ». Quand il se sent brimé par trop d’indications, il a du mal à être efficace. Il trouve davantage de motivation à travailler que le premier, mais ponctuellement son travail ne correspond pas à l’attente de l’enseignant.
Un élève a besoin de dire mais et pourtant l’autre fois vous aviez dit. Il cherche le contre-exemple, le différent C’est dans l’opposition, les contradictions qu’il se construit. Ce qui est nouveau l’intéresse : il mémorise mieux ce qui le surprend et vient à l’encontre de ce qu’il pensait.
A contrario, un autre s’appuie sur ce qui le rassure, ce qu’il connaît. Il mémorise ce qui va dans son sens. Il part de lui, du connu pour se construire, s’instruire. Il préfère être conforté que surpris.
Il y a encore l’élève impulsif. Il est entreprenant mais se précipite dans l’action sans vraiment réfléchir. Il prend la parole facilement, ce qui n’est pas sans risques : sa pensée se formant souvent au fil des mots, il lui arrive de se tromper. Il en est de même pour un travail écrit.
Quant au réflexif, il prend le temps de réfléchir, d’où une certaine lenteur ; de peur de se tromper, il est moins participant dans les débats, à l’oral en classe, alors même qu’il se rend compte que souvent il savait.
Si ces comportements présentent des points forts, ils ne sont pas exempts d’inconvénients. Ainsi, les élèves sensibles au relationnel pourront se trouver lourdement handicapés dans le cas d’une mésentente avec l’enseignant ou simplement d’indifférence de sa part. Le dépendant au « maître » aura du mal à être acteur, il amassera les connaissances plutôt que de se construire intellectuellement. Celui qui préfère passer par la règle, aura du mal à développer des arguments, à donner des raisons aux choses. Les comportements d’apprentissage pouvant devenir dans certaines situations des obstacles à surmonter, il est essentiel d’aider l’enfant à développer les comportements opposés pour un juste équilibre.
(1) André Giordan, Apprendre, Belin, 1998.
(2) Gérard de Vecchi, Aider les élèves à apprendre, Hachette, 1992, 2000
(3) Bautier, Charlot et Rochex, Ecole et savoir…dans les banlieues et ailleurs, A.Colin, 1993.
(4) Anne-marie Doly, Métacognition et transfert des apprentissages à l’école, dossier « Savoir, c’est pouvoir transférer ? » CRAP, Cahiers pédagogiques.
(5) dossier n° 431 des Cahiers pédagogiques, CRAP
Voir Affectivité, Motivation, Travail à la maison (travailler avec son enfant), Autonomie
Apprentissage cloisonné
Aucune connaissance n’est indépendante et ne peut être séparée des autres sans perdre une partie de son sens. Et il n’est pas question seulement d’histoire ou de géographie où les liens entre deux leçons apparaissent d’évidence, ces liens existent aussi entre différentes matières. On peut facilement faire des ponts entre l’histoire (Louis XIII et Richelieu) et la littérature (Les trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas); La physique (cours sur l’électricité) et la géographie (politique énergétique française). Chaque matière également forme un tout, et on ne peut se dispenser de faire des ponts entre les savoirs, d’inclure un savoir dans un autre, d’en déduire un troisième, d’en comparer certains, de les opposer.
Des méfaits de l’apprentissage cloisonné
La grammaire forme un tout et on ne peut l’enseigner sans en tenir compte.
Combien de fois vous est-il arrivé d’expliquer une règle à votre enfant, qui dans la foulée a réussi correctement un exercice d’application, et de vous apercevoir une semaine, voire deux jours plus tard, qu’il ne l’avait pas vraiment intégrée puisque vous relevez des fautes dans ses devoirs.
Si après avoir travaillé sur l’adjectif qualificatif attribut du sujet, vous lui donnez un exercice, il sait, grâce à l’énoncé, qu’il lui faut le reconnaître. Il vient d’apprendre que l’attribut est introduit par un verbe, aussi peut-il très facilement réussir son exercice d’application. Pourtant si deux semaines plus tard, vous lui demandez de trouver les fonctions de tous les mots d’une phrase (parmi lesquels se cache un adjectif attribut), il va falloir qu’il sache différencier correctement la nature et la fonction, identifier les adjectifs qualificatifs, et enfin qu’il se pose les bonnes questions pour reconnaître ceux qui sont peut-être attributs.
Une règle est intégrée lorsque l’enfant a compris qu’elle est utilisable dans toute une série d’exercices différents, et qu’il sait lesquels, qu’il sait comment appliquer cette règle dans chacun de ces exercices, au milieu de beaucoup d’autres règles.
Il faut travailler sur le processus de transfert, afin que ce qui est acquis dans une situation puisse l’être dans d’autres. Où et comment utiliser ce savoir ?(1) L’appropriation d’un savoir est acquis quand l’enfant peut l’utiliser dans une situation nouvelle sans qu’on le lui demande : il reconnaît que dans cette situation il a à l’utiliser, et il sait comment faire.
Une deuxième raison de ne pas cloisonner les connaissances est que c’est l’ancrage à des acquis et la répétition qui installent l’information dans la mémoire à long terme. On ne construit pas dans le vide. On ne construit pas une pièce d’une maison sans tenir compte des autres. On imagine ses ouvertures en fonction d’autres que l’on veut créer, on prévoit les communications entre cette pièce et le reste de la maison. Il en est de même des connaissances. On apprend des choses nouvelles en partant de choses que l’on sait déjà, en les accrochant ensemble, en les comparant, en les opposant, en les structurant. (2) Quant à la répétition, cela ne veut pas dire rabâchage pendant une semaine avant de passer à un nouvel apprentissage. (3) On apprend quelque chose, à quoi on revient régulièrement (au fil des semaines, des mois) et différemment -pour éviter l’ennui tout autant que pour le présenter dans toutes les contextes possibles. On crée de nouveaux ponts.
On ne cloisonne pas les connaissances, on rattache l’inconnu au connu pour mieux le mémoriser, on mêle les acquis aux nouvelles connaissances, et l’enfant a toujours l’esprit en éveil. Ce qu’il apprend dans un cours, dans un documentaire, grâce à une expérience vécue, il le transfert dans d’autres cours, d’autres matières, dans sa vie.
Des cours de maths et de français en tandem
Dans un collège, deux professeurs proposent un cours de maths-français pour des 4e en grande difficulté. (4) Un défaut de maîtrise de la langue pouvant bloquer des élèves ayant de bonnes connaissances en mathématiques, ils leur font travailler la grammaire à la lecture des énoncés. Que veut-dire une droite ? Est-ce que cela a la même signification que la droite ? Apprentissage des déterminants, mais aussi des indicateurs à l’œuvre dans la logique d’un texte (français) ou d’un raisonnement géométrique (maths).
Si le but premier de ce cours en duo est de faire progresser les élèves dans la maîtrise de la langue écrite afin qu’ils réussissent en mathématiques, ces enseignants espèrent décloisonner les savoirs. « Notre cours vise à donner une cohérence à tous ces savoirs scolaires qui en manquent parfois pour des élèves en difficulté….ils doivent mobiliser toutes leurs connaissances s’ils veulent réussir ». Et les élèves sont convaincus par l’expérience. « C’est sûr que ça m’aide. Je ne fais plus les maths de la même manière. Ni le français d’ailleurs », dit Patrice.
Voir Apprentissages profond, superficiel, Français : un exemple de travail non cloisonné,
(1) Voir Projet (Le projet de restitution)
(2) Voir Mémoire (Les règles de la mémoire à long terme), Concept et structure
(3) Voir Mémoire (Nécessité de la répétition)
(4) Le monde de l’Education, mars 2005
Apprentissage passif (élève en primaire)
Avant sept ou huit ans, l’enfant exprime généralement son désir d’apprendre en se conformant à celui de ses parents et de son enseignant, c’est-à-dire qu’il réussit ses apprentissages. Il apprend « normalement » à lire, écrire, à compter, réciter.
Ce désir peut se manifester de façon passive. L’enseignant a l’impression alors que ces élèves ne font rien, ne s’intéressent pas à ce qui se passe pendant les cours. Pourtant, ils vont volontiers à l’école. Ils ont, selon Françoise Dolto(1) , une vie intellectuelle secrète qui, après la résolution œdipienne, devient généralement plus conforme à ce qu’on attend d’eux. Ce qui est passif dans leur attitude à l’école doit être valorisé, dit-elle. Les motivations, dans un premier temps d’ordre émotionnel et affectif, deviennent après l’âge de huit ans plus logiques et raisonnables. C’est le moment où ils peuvent alors commencer à faire le choix d’étudier.
Mais certains élèves après cet âge sont dans l’incapacité de prendre des initiatives et d’agir sans qu’on leur ait dit qu’il fallait le faire et comment, ce qui est dommage parce la construction de savoirs est alors plus lente, moins solide. Pourtant un enfant qui semble inactif peut être actif dans sa tête (Einstein construisait sa vie intellectuelle de façon si passive que ses maîtres le pensaient attardé) Et ce n’est pas en le bousculant qu’on pourra le faire changer d’attitude face à l’apprentissage.
Ce ne sont surtout pas les notes ou encore les progrès apparents qui doivent être pris en compte, mais ce qui l’intéresse, les mouvements créés par cet intérêt. On peut, par ce biais, arriver à le motiver, c’est-à-dire à faire qu’il ne reste pas dans le désir de faire plaisir à « Maman » ou au « maître » en exécutant simplement ce qui lui est demandé, mais qu’il soit dans son propre désir. Qu’il décide de faire.
(1) Françoise Dolto. L’échec scolaire. Ergo Press
Apprentissage profond, superficiel
Il y a deux approches différentes de l’acte d’apprendre.
L’une est celle utilisée par la plupart des élèves, ils obéissent à la consigne qui leur est donnée, font un exercice ou apprennent une leçon avec pour seule intention, dans le meilleur des cas, de réussir et mémoriser ; mais ils ne font pas de lien avec d’autres connaissances, ils ne font pas un travail de réflexion autour de cette connaissance qu’ils doivent s’approprier.
Ils font leur travail mécaniquement même si le résultat est bon. Résultat immédiat bien entendu, car à long terme cet apprentissage se révèle mal maîtrisé. Les élèves ne sont pas responsables de cet état de fait. On leur demande en général un travail d’application. Rarement un travail de réflexion : A quoi ce cours sur les fractions vous fait-il penser ? De quoi peut-on rapprocher la révolution russe ? Si l’on utilisait une métaphore, à quoi compareriez-vous l’article défini et l’article indéfini ? A quoi vous fait penser le mot complément ?
Cet apprentissage superficiel est dangereux pour deux raisons, la première est que l’information, manquant de points d’ancrage dans la mémoire, finit par s’effacer rapidement, l’autre étant que les élèves se lassent, à juste titre, de revenir sans cesse sur les mêmes données. Il n’est qu’à voir ce qu’en classe de cinquième ils savent par exemple au sujet de la nature et de la fonction des mots, points sur lesquels ils sont revenus quatre ans durant. Qu’est au juste la nature d’un mot, qu’est-ce que la fonction ? Combien ont compris que la nature était l’identité d’un mot et la fonction son rôle dans la phrase ?
A l’opposé de cette approche mécanique de l’apprentissage, on a une autre approche du savoir. L’apprentissage profond implique davantage les élèves. Ceux-ci font des liens avec le passé (ils recherchent ce qu’ils savent) avec le futur (à quoi cela va-t-il leur servir ?) ; ils rapprochent des situations différentes et ne restent pas aux seules similitudes superficielles liées au contexte. Ils explorent différentes directions pour comprendre cette nouvelle information et mieux la maîtriser. C’est un acte volontaire de réflexion, d’appropriation.
Voir Apprentissage cloisonné (Des méfaits de l’), Mémoire
Attention concentration
L’attention et la concentration sont deux mécanismes mentaux interdépendants et essentiels à l’apprentissage.
Etre attentif, c’est mobiliser ses cinq sens pour recevoir, chercher, sélectionner et traiter les informations pertinentes dont on a besoin.
Etre concentré, c’est réduire le champ de l’attention, fermer la conscience à tout ce qui peut distraire l’esprit de cet apprentissage.
Etre attentif
On ne peut être attentif sans une adhésion de tout son être à la tâche à accomplir. C’est une attitude mentale mais aussi corporelle.
Regardez un enfant rêveur à sa table de travail. Il est mal assis, souvent avachi, son regard est flou. Son esprit vagabonde à la moindre occasion. Regardez encore un enfant agité (ou sensori-moteur). Il ne tient pas tranquille sur sa chaise. On dit de lui qu’il a trop d’énergie. Ces deux-là ont des difficultés à être attentifs. Leur attitude corporelle est celle d’enfants non concernés par l’objet où doit porter leur attention.
L’enfant attentif a une posture tonique, un regard présent. Son corps est partie prenante de l’acte d’attention. Car il s’agit bien d’un acte: acte mental, acte volontaire. Son corps est éveillé, à l’instar de son esprit. Il est dans un état d’éveil actif, une démarche maîtrisée. Il tend vers un objectif, vers un état de fusion avec l’objet regardé, lu ou écouté.
Pour cela, il a fait le vide dans son esprit, s’est focalisé sur la tâche à accomplir. Il est attentif mais sans tension, détendu mais dans un acte de volonté.
Si votre enfant a du mal à être attentif, travaillez avec lui sur ce que cela signifie. Etre attentif veut-il dire être calme ? être en attente? écouter le professeur? Si telle est son attitude, on peut en déduire alors qu’il est sage, de bonne volonté ; pourtant cela n’est pas suffisant et n’a pas grand chose à voir avec l’attention. Il est en attente de quoi ? Pourquoi ? Comment va-t-il s’approprier la connaissance ? Dans quel but ?
Etre attentif est un processus qui dépend du travail à accomplir. Cela nécessite une anticipation (1). C’est un processus à trois temps. Tout d’abord il faut se rendre disponible, s’ouvrir à l’information, puis l’accueillir, enfin il faut se fermer à toute autre information, c’est-à-dire se focaliser sur elle seule. C’est là que peut commencer la concentration.
Un élève attentif écoute le professeur dans le but de mémoriser, de comprendre une règle de grammaire, de prononcer correctement des mots anglais, d’utiliser le théorème de géométrie dans un exercice. Il est dans une intention d’apprendre au moment de commencer ses cours, quand il s’installe à sa table de travail. Il sait ce qu’il a à faire de la connaissance qui va lui être communiquée par l’enseignant, comment la faire sienne, dans quel but.
Selon le biologiste, Henri Laborit (2), certains neurones d’attention ne répondraient pas à des stimuli répétés, ils ne seraient sensibles qu’à un son nouveau ou à une information visuelle différente, d’où l’importance d’éviter les répétitions à l’identique et de renouveler les formes sous lesquelles on présente les connaissances.
Il ne faut pas oublier que l’attention est aussi fonction de la motivation, d’une disposition intérieure, de ses rythmes, et que l’enfant a d’autant plus de chances d’être attentif que la connaissance l’intéresse ou qu’il en comprend l’utilité.(3)
Comment être attentif
Mais que faut-il faire pour être attentif ? Suffit-il de le vouloir ? Non, être attentif, ce n’est pas seulement se dire: “ Je veux lire ou écouter sans penser à autre chose ”.
Être attentif, c’est savoir que faire de son attention.
Si l’enfant apprend une leçon d’histoire, il la lit pour la comprendre et la mémoriser. Il est donc attentif pour comprendre et mémoriser. S’il apprend des tables de multiplications, il les lit, les répète pour les savoir par cœur, dans le désordre, c’est-à-dire pour être capable de les utiliser dans des multiplications et des divisions. Il est attentif pour répéter et mémoriser.
Il ne suffit pas de dire à un enfant: “ Sois attentif ”, il faut lui dire comment faire.
Les quatre attentions
– La vigilance ou le guet
C’est l’attention du pêcheur, du chasseur, du soldat qui monte la garde, de tous ceux qui pour une raison ou une autre font le guet. On peut croire que le pêcheur rêve, mais une partie de lui est attentif. Il attend que morde le poisson. Il guette le mouvement du fil, prêt à agir dès qu’un poisson s’accrochera à sa ligne. C’est l’attention que doit avoir un enfant quand il fait une dictée. Il guette les verbes se terminant par le son « é » pour réfléchir à comment les écrire (er ou é ?) Il guette le mot leur pour ne pas l’écrire sans avoir réfléchi à sa terminaison (leur ou leurs ?)
– L’attention sélective
Il s’agit de l’attention que l’on porte à quelque chose. C’est un choix, une sélection.
Imaginez un dîner. Autour de la table, plusieurs personnes parlent en même temps. Vous les entendez, mais leurs voix se confondent en un bruit de fond car vous n’écoutez qu’une seule d’entre elles. Vous êtes attentif à ce que vous dit cette personne et à elle seule.
Cette attitude sélective est ce vers quoi un enfant doit tendre pendant un cours. Il est attentif à ce que dit le professeur, à ce qu’il écrit au tableau, et il ne se laisse pas distraire par les bruits dans la classe, par ce que racontent les élèves assis derrière lui, par le copain qui tousse ou celui qui rit.
– L’attention partagée
Dans ce cas, on prête attention à deux choses, à deux personnes en même temps. Au cours du dîner, vous pouvez écouter ce que disent deux des convives. Mais cette attention ne peut bien sûr avoir la qualité de l’attention sélective. Vous ne pourrez la soutenir très longtemps, surtout si la conversation est un peu complexe. Vous aurez des difficultés à mémoriser tout ce qui est dit.
Pour cette raison, les enfants devraient éviter de travailler en regardant la télévision ou en écoutant leur émission de radio favorite.
– La focalisation
C’est l’attention que l’on a quand on est passionné, absorbé dans une tâche.
Quand vous êtes absorbé, rien ne peut alors vous détourner de ce que vous faites. Vous n’entendez rien autour de vous, vous ne voyez pas le temps passer.
Cette attention est bien évidemment celle qui permet d’apprendre, de comprendre, de mémoriser, de réfléchir et même de faire tout travail de créativité.
La concentration
La concentration est la focalisation, une attention soutenue que rien n’interrompt. Elle bloque l’arrivée à la conscience de toute information qui pourrait nuire à la tâche.
La concentration de l’enfant dépend de son intention (4), de son intérêt pour ce qui lui est proposé, ce qu’il lit ou entend.
Intérêt, plaisir, réussite, motivation sont des facteurs favorisant la concentration. Passivité, stress, répétition de la tâche ou sa monotonie sont des facteurs qui la perturbent.
La concentration, tout comme l’attention, sont des mécanismes mentaux qui consomment de l’énergie, d’où la fatigue qui survient après un travail intellectuel. L’effort de concentration varie selon la complexité et la durée de ce travail. L’acquisition de nouvelles connaissances est la tâche qui demande le plus de concentration. Puis vient la mise en application de connaissances déjà acquises. Enfin la rédaction de travaux, c’est-à-dire la mise en forme d’informations comprises et mémorisées.
La durée idéale d’une séance de travail, pendant laquelle votre enfant se concentre, est de l’ordre de vingt à quarante minutes. Bien entendu, cela dépend de son âge et de son habitude à le faire. Il faut obligatoirement alterner les séquences de travail et les pauses. Ces moments de détente – de dix bonnes minutes chacun- sont nécessaires au cerveau pour stocker ce qui lui a été amené, pour se préparer à un nouvel apprentissage. Sans ces pauses, il serait illusoire d’exiger une quelconque concentration.
Se concentrer : une habitude à acquérir
La plupart des élèves consultant pour des problèmes scolaires le font parce qu’ils ont des difficultés à se concentrer. Se concentrer est une habitude à acquérir.
L’important est d’apprendre, en délimitant un espace de travail, à délimiter le temps de travail. (5)L’enfant travaille assis à une table. Face à lui, un réveil : il lui permet d’être conscient du temps qui passe, du temps pendant lequel il parvient à se concentrer, du temps qu’il lui faut pour faire des exercices, pour apprendre ses leçons. Quand il se met à penser à autre chose et n’arrive plus à être attentif, il se lève. Il peut boire un verre de lait, manger un fruit, s’amuser avec le chat, faire un exercice de relaxation(6), mais il n’ouvre pas la télévision, ce qui l’empêcherait de retrouver facilement sa concentration.
Il faut prendre l’habitude de ne pas rêvasser à sa table de travail : dès que l’enfant est fatigué, qu’il se met à rêver, il se lève pour faire une pause de quelques minutes.
Tant qu’il est assis à sa table, il travaille, il ne pense à rien d’autre.
Dans le cas où, pour apprendre ses leçons, il a besoin de marcher de long en large, il quitte la pièce quand il n’arrive plus à être attentif, et il y revient, la pause terminée.
Maîtriser son attention et sa concentration
Une première démarche pour parvenir à les maîtriser est de s’observer en situation de tâche.
– On observe la durée de son attention, de sa concentration selon le support (lecture ou écoute), le travail (compréhension, mémorisation, réflexion), la matière, l’intérêt qu’on y porte, également le moment de la journée et le lieu.
S’observer pour avoir conscience des moments où l’on « décroche » d’une tâche pour parvenir à « raccrocher » au plus tôt.
Plus vite l’élève se rend compte qu’il ne suit plus l’explication donnée par son enseignant, plus vite il peut re-mobiliser son attention et retourner à sa tâche d’écoute et de compréhension. Plus vite il se rend compte que, distrait par une sonnerie de téléphone dans la maison, il a quitté son devoir, plus vite il peut décider d’y retourner ou encore de faire une pause.
– On observe les messages envoyés par le cerveau. Certains sont négatifs « C’est trop dur » « J’y comprends rien » « Je ne réussis jamais en dictée » « Je suis nul en problème ». Ils entraînent une démotivation, une démobilisation de l’attention, ils offrent une moins bonne résistance aux distractions, à la rêverie, ils favorisent les décrochages.
La démarche suivante est l’entraînement et l’utilisation de stratégies.
L’enfant choisit à la maison son environnement, ses heures de travail, il change de place en classe pour être moins perturbé par des bruits. Il apprend à moduler son attention pendant le cours : attention légère quand le professeur rend des copies, parle d’un point qu’il maîtrise déjà parfaitement ; attention plus soutenue quand il s’agit d’écouter le cours ; concentration pour comprendre un point difficile, pour un effort de réflexion.
Il organise son travail selon l’exigence des tâches au plan de la concentration et les heures plus ou moins favorables au travail intellectuel (7)
Il utilise des stratégies de lecture pour éviter que son esprit ne s’évade : noter dans la marge les mots-clés. Des stratégies d’écoute : fermer les yeux, poser le regard sur une surface neutre pour qu’aucune sollicitation visuelle ne vienne le perturber.
Il s’entraîne à plonger rapidement dans le travail.